Notre ami Christian
Si on devait le comparer à un roman, ce serait « les copains » de Jules Romain version Brassens.
Si on devait le comparer à une émission de télé, ce serait « Kaamelott », la série déjantée et goguenarde diffusée sur la chaine M6.
Parcours atypique de cet ancien champion de judo arrivé fortuitement dans l’univers handisport par l’intermédiaire de son père, cadre chez Honeywell Bull et collègue de travail de Marcel Avronsart, ancien Président de la Fédération, qui incita le jeune Christian, à l’époque Professeur d’Education Physique, à découvrir et rejoindre le mouvement en pleine reconstruction, dès 1968, date de notre rencontre et le début d’une grande amitié complice.
Christian et Marie-Ange Paillard eurent 2 enfants, Alexia et Vincent.
Son hobby : la photo et le matériel photographique.
Enfance heureuse et studieuse à Paris 10ème où il poursuivit ses études aux Lycées Arago puis Voltaire près de la place de la Nation.
En 1968, international de judo, ancien champion de France dans sa catégorie de poids, et préparant le professorat d’éducation physique, il s’impliqua comme bénévole dans l’animation des séances d’activités physiques à l’ASMF. Cette initiative fut fortement encouragée par son père, où Marcel Avronsart, son collègue de bureau, alors président de la Fédération Handisport de l’époque, recherchait des moniteurs et des bénévoles pour encadrer et structurer le mouvement.
Marcel Avronsart présenta Christian Paillard à Philippe Berthe, président fondateur du mouvement, qui lui confia alors l’encadrement de l’athlétisme. Pionnier dans le domaine, c’est en tant qu’autodidacte qu’il organise le dimanche matin à l’Institut National des Sports (devenu INSEP) des séances d’athlétisme et de gymnastique qui attirent au bout de quelques mois une soixantaine de pratiquants handicapés. Etant un des rares diplômés en éducation physique impliqué dans le mouvement, Christian s’engage dans la structuration progressive du handisport.
En 1972, il s’implique fortement dans l’organisation des championnats de France d’athlétisme à Dreux, où il participe à la mise en place d’un système de classification des compétiteurs. Il s’agit, non sans mal, d’adapter les règlements de la Fédération Française d’Athlétisme. La même année, lors des jeux paralympiques de Heidelberg, il est témoin du sit-in des amputés qui revendiquent leur participation à ces jeux, exclusivement réservés aux fauteuils roulants. Ils obtiendront gain de cause quatre ans plus tard lors des jeux de Toronto.
En 1975, Christian accepte un détachement en tant que Conseiller Technique Régional (CTR) auprès de la Fédération et convainc certains de ses collègues de s’y investir. L’année suivante, en 1976, il contribue à l’élaboration des textes relatifs à un brevet d’Etat, option sport pour handicapés physiques et sensoriels et à sa mise en place. La première promotion voit le jour en 1979. Christian devient cette même année responsable de la formation à la FFH en complément de ses responsabilités en athlétisme.
Son parcours de bénévole dans un premier temps puis détaché à la Fédération l’amenèrent aux plus hautes fonctions de haut cadre technique avec comme point d’orgue sa nomination de Directeur Technique National (DTN) de la Fédération en 1995 et ce jusqu’en 2009, succédant à Alain Bossion, premier Directeur National des Sports, non fonctionnaire et bénévole, puis à François Terranova, premier DTN fonctionnaire d’Etat et à Daniel Siry.
Petit retour en arrière sur cette première direction nationale des sports du Néandertal dont il fit partie. Alain Bossion s’entoura d’une équipe de guerriers bénévoles plus qu’hétérogènes mais d’une efficacité redoutable pour structurer et organiser la pratique sportive sur le territoire national. Christian était le seul directeur sportif de vraie formation sportive. Tous les autres avaient un métier, jugez-en :
Une journaliste écrivaine à la voile, un employé au service social de la ville de Choisy le Roi au cyclisme et à la pétanque, un inspecteur de police au basket fauteuil, un chauffeur de taxi à la natation, un comptable au tennis de table, un employé à la sécurité sociale à l’escrime, un boucher charcutier puis un bibliothécaire au tir à l’arc, un kiné à l’haltérophilie, un ingénieur technico-commercial au tir sportif et un chimiste au ball-trap. Romanesque et épique ces débuts, à n’en point douter.
Mais Christian c’était avant tout une énergie folle et communicative à laquelle on ne pouvait résister et ce que l’on sait peu finalement, c’est que c’est lui qui a donné ses lettres de noblesse à l’athlétisme en la constituant discipline à part entière.
Pour parvenir à un tel résultat, Christian avait su créer autour de lui toute une équipe de fidèles baptisée « la bande à Paillard » dont le fantasque Amédé Brougneff, préparateur physique fleurant bon son pays de Cahors, personnage inventé de toute part par Christian qu’il mettait à toutes les sauces et indiquait comme point de contact à ses interlocuteurs qui ne le trouvaient bien sûr jamais et erraient comme des âmes en peine.
Outre sa force de travail hors pair, Christian était un bout en train permanent, véritable Laurent Ruquier, roi du calembour et de blagues potaches et son légendaire « p’tit café dans la culotte » qu’il nous servait abondamment. Il fallait un esprit à la Jean-Yves Lafesse pour avoir eu l’idée de cette fameuse fausse annonce d’un 800 mètres lors des championnats d’Europe des DV à Caen avec des noms uniquement constitués de consonnes qu’il a fallu au speaker que j’étais annoncer au micro officiel après avoir sué sang et eau. En termes d’organisation et de gestion des compétitions l’innovation était permanente.
En amont de la gestion informatique et bureautique s’installant au fil des années, super Paillard et roi du lettraset, sorte d’alphabet en décalcomanie, qu’il usait abondamment et à la perfection, véritable Paganini du collage et de l’habillage des documents édités, certes attractifs mais en temps de réalisation similaire à l’époque de Guttenberg, procédé grâce auquel il avait conçu des documents à liasses et feuillets adaptés à l’ensemble des épreuves athlétiques et durant des années ces supports ont permis un déroulement sans faille de toutes les compétitions, tant nationales qu’internationales, vraiment du grand art qui faisait référence à l’époque.
Ce sont des années fantastiques et uniques vécues par toute cette « bande à Paillard », véritable état d’esprit sans équivalent depuis, à l’heure où le paraître prend le pas sur le réel. La simplicité de Christian est la forme de la vraie grandeur, à contrario de ceux qui tiennent pour grandeur l’arrogance, le paraître et pour esprit la fourberie, sans que ce soit celle de Scapin.
Christian était un personnage marquant autant que charismatique, c’était un fédérateur et visionnaire hors pair.
C’est sous son impulsion et avec le concours de Gérard Masson que nous avons formé le groupe baptisé par Laurent Allard des « dinosaures », parfois des « muppet show », constitué de Christian, François Luquet et votre serviteur, à la réalisation de l’ouvrage chronologique du mouvement handisport, « les chroniques handisport », où nous nous sommes « goinfrés » des heures de tris de milliers de photos pour illustrer le livre mais surtout arriver à les légender, le poids des ans révélant quelques failles de nos mémoires respectives quant aux dates et lieux réels.
Il fut aussi un acteur précieux dans la réunification en 1977 des 2 anciennes fédérations concurrentes et rivales à la demande du ministre des sports de l’époque.
Christian était médaille d’or de la jeunesse et des sports et Chevalier dans l’Ordre National du Mérite
Partager une telle amitié et complicité avec un personnage de cette trempe est un superbe cadeau. Profond respect Monsieur Paillard et merci pour tout. Alexia et Vincent, vous pouvez être rudement fiers de votre papa.